Le Lac Vert ou Lac de Soultzeren, portait jadis aussi le nom de Lac de Daren. Les allemands, et donc aussi les alsaciens, lui donnèrent les mêmes appellations qu’en français, c’est-à-dire : Der Grüne SeeSoultzeren See, ainsi qu’au siècle dernier Darensee. Les lorrains, dans leur dialecte, lui donnèrent le nom de Voiche Mâ, Voichamâ, Vachemâ ou encore Voichemer, ce qui signifie « lac vert » ou « vert marais ».

Le lac en question est blotti au fond d’un cirque glacière à 1 044 mètres d’altitude, ce qui faisait de lui le deuxième lac le plus haut du massif vosgien après celui du Lac du Forlet qui culmine à 1 061 mètres. Mais il a été depuis décalé à la troisième place lors de la création du lac artificiel de la Lande qui se trouve à 1 060 mètres. Le lac vert est aujourd’hui d’une superficie de 7,20 ha et d’une profondeur de 17 mètres. Il est dominé par le Tanet, anciennement appelé le Tanneck et culminant à 1 292 mètres d’altitude.

L’origine du lac et de son nom

Le Lac Vert est un plan d’eau naturel issu du creusement puis de la fonte d’un glacier au début de l’ère quaternaire. Mais aujourd’hui le barrage artificiel donne une idée trompeuse sur l’origine du lac aux promeneurs non avertis de son histoire. Un(e) inconnu(e), qui aurait mieux fait de s’abstenir, a même dégradé un panneau d’information de la Réserve Naturelle Nationale de Tanet-Gazon du Faing en rayant une phrase qui indiquait que tous les lacs qui bordent le site protégé sont d’origine naturelle. Les gestionnaires de la réserve avaient bien fait leur travail, car oui, le lac vert et ses voisins sont bien tous d’origine naturelle ! Les barrages qui ont été aménagés au XIXe siècle n’ont servi qu’à rehausser le niveau de ces lacs déjà présents comme en attestent plusieurs cartes du duché de Lorraine antérieures à leurs aménagements. Pour le Lac Vert, cette digue artificielle fut construite entre 1850 et 1860 afin d’augmenter la capacité du plan d’eau et de pouvoir ainsi alimenter les usines de la vallée. Malheureusement, cet aménagement ne fut pas sans dommages pour la flore rare de montagne qui poussait sur ses bords et qui a disparu après cette remontée des eaux. Un certain Emmanuel Koenig écrivit en 1732 au célèbre botaniste suisse Albert de Haller au sujet des fleurs remarquables qu’il avait trouvées aux bords du lac, dont « l’Androsace carnea », une plante typique de l’étage subalpin !

Le Lac Vert au réveil du printemps.

La couleur verte qui teinte les eaux du lac pendant l’été et qui lui a valu cette dénomination fut expliquée pour la première fois par le botaniste et médecin Frédéric Kirscleger (1804-1869) de Munster. Ce dernier attribua ce reflet vert à la multiplication rapide des plantes aquatiques à la surface de l’eau en Juin et Juillet mais aussi plus tôt en cas de printemps précoce.

Abel Hugo disait à propos de ce lac :

« L’eau est plus pesante au fond qu’à la surface, ce qu’on attribue aux matières terreuses et huileuses dont elle est chargée… Pendant les tempêtes, les eaux s’élèvent et rejettent sur les bords des pétrifications et des coquilles fossiles. »
Brochet venant frayer au bord du Lac Vert.

Les légendes du lac vert

Cette couleur verdâtre, celle du diable, lui valut une mauvaise réputation dans les superstitions locales et a fait ainsi naître plusieurs légendes à son sujet.

On prétendait que le diable possédait au bord du lac un château d’où il pouvait épier du haut d’une tour les malheureux qui passaient par là. Mais les bonnes gens d’ici savaient très bien à qui appartenait la demeure et leur foi ainsi que la peur d’aller en enfer leur permirent de rester sur le droit chemin. Bien que le coin lui fût agréable, quand Lucifer compris qu’il perdait son temps en ces lieux, il fut pris d’une grande colère et détruisit lui-même son château qui sombrât dans les profondeurs du lac que l’on disait insondable !

Ce qui nous amène à la seconde légende. Les habitants des environs étaient bien curieux de connaitre la profondeur de ce lac sauvage. La tradition raconte qu’un pêcheur plus curieux que les autres mais surtout plus obstiné, voulut à tout prix connaître les mystères de ce lac dit insondable. Il fit alors plusieurs tentatives de mesures sans se décourager, jusqu’au jour où une nymphe remonta des eaux pour lui dire :

« Willst du mich ergründen,

So tu ich dich verschlinden ! »

« Si tu veux me sonder,

Je te ferai couler ! »

On dit alors que le pêcheur pris peur et n’insista plus. Sa mésaventure fut à maintes reprise racontée si bien que depuis ce jour-là les montagnards n’y passent plus sans crainte !

« Wie liegst du so reizend, du tiefgrüner See, So Still verborgen und traumverloren… » 

« O lac, aux vertes profondeurs, tu es merveilleusement situé : caché, silencieux et plein de rêve… » 

Fernand Fischer.

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Texte et photographies :

Jean-Michaël CHOSEROT (photos prises le 24/04/2018 pour la première et le 26/03/2017 pour les deux autres).

Sources / bibliographie :

FOURNIER, Alban. Les Vosges du Donon au Ballon d’Alsace, « Chapitre VI Le Thanneck ou Tanet.- Lac Vert. – Lac Tout-Blanc. – Hautes-chaumes. – Vue sur douze évêchés. – Lacs Noirs et Blanc. – Château de Hans. » p. 541. Édition Jean-Pierre Gyss, 1980 (reproduction en fac-simile de l’édition publiée en 1901, par Louis Geisler, à Raon l’Étape, France), 679 p.

ILLBERG, Gérard. Lacs et Étangs des Vosges, Histoire et Légendes, « Le Lac Vert », p. 36 à 38. Éditions Andre Bonne (Paris ; France), 1967, 187 p.