
- Samonios ou Samon en celtique gaulois
- Samain ou Samhain en celtique irlandais
- Ahnenfest, Totenfeier ou encore Haustblót, Disablót en langue germanique
- Rommelbootzen Naat en francique lorrain
- Halloween en contemporain
Contrairement aux idées reçues, Halloween n’est pas une fête qui nous vient d’Amérique, mais de nos ancêtres païens, celtes et germans dont certaines traditions ont perduré jusqu’au XIXe siècle comme nourrir les esprits en enterrant des fruits dans la terre, ou encore creuser des citrouilles lors de cette fameuse nuit de Rommelbootzen Naat (ce qui signifie en francique lorrain (Platt) : « nuit des betteraves grimaçantes »). On la retrouve ainsi sous les noms de Samon, Samonios en langue gauloise et de Samain ou Samhain en celtique irlandais, mais aussi Haustblót et Ahnenfest ou Totenfeier en langue germanique.
C’est la troisième et dernière des fêtes des récoltes après Lugnasadh et Mabon. Bien que la date de cette célébration se situe officiellement entre le 31 octobre et le 1er novembre, la fête durait plusieurs jours avant et après cette nuit. Elle marquait ainsi le début de la saison sombre et le temps du repos, car la Nature s’endort pour renaître à la saison claire. Pour les celtes, Samon marquait également la nouvelle année.
Samonios, qui se traduit par « réunion ou assemblée », était aussi une fête des morts qui offrait une ouverture sur l’autre monde, « le Sidh » (monde des morts et des dieux). Chez les celtes, il n’y avait ni paradis ni enfer. Les notions de bien et de mal n’existaient pas vraiment dans leurs croyances. Ainsi, durant cette période où les mondes se touchaient, morts et vivants pouvaient voyager de l’un à l’autre. La mythologie celtique nous rapporte, avec moins de qualité et de certitudes que la mythologie grecque par faute d’écrits, les aventures de héros ayant pénétré dans le Sidh. Craignant la venue d’un ou des mort(s) ainsi que de créatures fantastiques qui auraient la volonté de rester dans le monde des vivants, ces derniers avaient pour habitude de se déguiser afin de les effrayer et de les faire ainsi retourner dans le Sidh. Cette coutume a évolué au fil du temps et permet aujourd’hui une bonne soirée d’amusement pour petits et grands. Très reprise notamment par les Etats-Unis d’Amérique, beaucoup, ignorant ses origines, pensent aujourd’hui qu’il s’agit d’une fête importée…

La tradition germanique
Dans la mythologie germano-nordique apportée dans les Vosges par les alamans et les francs à la fin de l’empire romain, Samon fut assimilé aux célébrations de Totenfeier, Haustblót ou Disablót que l’on peut traduire par « sacrifice aux elfes ». Dans la tradition germanique, les elfes avaient des pouvoirs intimement liés aux ancêtres et à la famille. Pour les germains, cette fête est non seulement dédiée aux morts mais aussi aux dieux des morts qui les accueillent et les protègent dans leur royaume, croyances parallèles à celles des celtes. Aujourd’hui, on parle plus de Ahnenfest, un terme qui a la même signification que « Halloween ».
Durant cette fête, les germains se consacraient naturellement aux dieux principaux comme Wodden et Frig, mais aussi à la déesse Hel connue dans nos contrées sous le nom de Perchta et qui aurait laissé son passage dans les Vosges par l’intermédiaire de la légende des « Dames vertes » de la Vologne, près de Gérardmer (Lorraine ; Vosges).
La christianisation de la fête des morts
C’est au VIIIe siècle après J-C que le pape Grégoire III décida de placer la Toussaint, « fête de tous les saints », au 1er novembre dans le but de christianiser la fête de Samon. Ainsi le terme actuel d’Halloween signifie « veille de tous les Saints ».
Les pratiques et coutumes de Samon à la Toussaint
Samon marque le temps de la transhumance, le bétail qui, selon les années, a déjà commencé à descendre dans les vallées. On rentre peu à peu les bêtes, et on allume des torches le long des chemins. Les gaulois éteignaient les feux de leurs foyers pour aller se rassembler autour des druides pour un rituel de protection qui consistait à étouffer un feu avant de le faire renaître en frottant des branches de chêne (arbre sacré). Ils honoraient le dieu du soleil et effrayaient par la même occasion les mauvais esprits. Les chefs de famille recevaient une braise venant de ce feu rituel pour allumer celui de leur foyer qui devait brûler jusqu’à l’automne suivant. A Samon, on s’ouvre à la mémoire des ancêtres, on honore les morts. Certains laissaient dehors une assiette de nourriture pour les défunts, quand d’autres enterraient quelques pommes ou des noisettes pour nourrir les esprits, coutume encore existante dans les Vosges jusqu’à la fin des années 1800 et début des années 1900. On allumait aussi des lanternes sur les fenêtres pour guider les esprits vers le pays de l’été. Il s’agissait donc d’une fête joyeuse et lumineuse.


Dans le folklore contemporain lorrain
Au XIXe siècle, dans son Folk-lore des Hautes-Vosges, J-F. Sauvé rapportera quelques coutumes ancestrales encore présentes à son époque. Il rapporte ainsi qu’à Ferdrupt (Lorraine ; Vosges), il était d’usage de découvrir les lits et d’ouvrir les fenêtres pour que les défunts puissent retrouver un tant soit peu la place qui leur était chère de leur vivant. Le chef de famille bénissait alors les lieux avant de tout refermer. On allumait aussi des feux pour réchauffer les trépassés qui rendaient visite aux vivants, ce qui n’est pas sans rappeler les traditions celtiques. Aussi, on devait se garder de sortir avant le lever du jour afin de ne pas croiser les cortèges des âmes plaintives. À ce sujet, Sauvé nous a rapporté l’anecdote suivante :
« Un homme de Vecoux eut le malheur de la voir passer et de se joindre à elle, ne se doutant pas de ce qu’elle pouvait être. Quand, à la pointe du jour, il arriva devant la porte de l’église, il vit tout à coup ses compagnons disparaître, comme si la terre les avait engloutis. Resté seul, il éprouva un tel saisissement que, si l’on ne fût venu à son aide sur l’heure, il fût certainement mort sur place. »
Si la fête de Samonios signifiait la fin des récoltes elle annonçait aussi certaines plantations, on retrouvait ainsi en Lorraine le dicton suivant :
« Qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il vente, qu’il fasse chaud ou qu’il fasse froid, le blé semé la veille de la Toussaint est toujours sûr de réussir. »
Lors de la fête de Samain on mange les fruits des dernières récoltes comme les châtaignes, les pommes, les navets, les noix, sans oublier les courges, ces célèbres fruits de l’automne que l’on creuse pour en faire des citrouilles, comme il était encore de coutume dans les siècles passés en Lorraine germanophone et ce, notamment dans le pays de la Nied avec cette fête des betteraves grimaçantes annoncée en début d’article. Il est également de coutume de boire du cidre chaud avec de la cannelle pour honorer les morts. Dans la vallée de la Moselle, on ne manquait pas non plus de servir le soir venu de la bouillie de millet, car autant de grains ingérés c’était autant d’âmes du purgatoire qui étaient ainsi sauvées.
Bien que n’étant pas une coutume qui se résume seulement à la Toussaint, je rapporterai cette dernière anecdote au sujet de la mort d’un maître de maison. Car en plus de l’habituelle coutume de charger des membres de la famille de prévenir les proches et les voisins du décès, quand il s’agissait d’un chef de famille on ne manquait pas non plus d’aller prévenir les abeilles en leur disant « votre maître est mort, vous allez changer de maître ». Puis on accrochait à la ruche une étoffe noire en signe de deuil.
© Copyright
Tous les articles présentés dans cette bibliothèque numérique sont la propriété de l’association BERIAN et de ses auteurs. Parce que l’un des buts de cette association est la valorisation et la transmission du patrimoine naturel et historique de nos contrées, toute information peut être partagée et/ou réutilisée. Nous vous demanderons simplement de citer vos sources, en nommant notre structure « BERIAN – Association Naturaliste et Historienne », ainsi que le/les nom(s) du/des auteur(s), tout contenu confondu (textes, cartes, photographies, dessins, etc.). Pour toute utilisation à caractère commerciale, merci de nous conctacter.
Photos et texte :
Jean-Michaël Choserot
Sources :
SAUVÉ Léopold-François, Le Folk-lore des Hautes-Vosges, [1888], réédité dans la Série « Les littératures populaires de toutes les nations », tome XXIX, G.P. Misonneuve &Larose Editeurs, Paris, 1967, 416 p. Et présenté par FISCHER Gérard et Marie-Thérèse, Floklore des Vosges, sorcellerie, croyances et coutumes populaires, Editions Jean-Pierre Gyss, 1984, 242 p.
Alaudan. Les fêtes celtiques. [En ligne], Druidisme dans les Vosges, Lorraine, consulté le 18/06/2021. Disponible sur : http://www.vogesos.fr/152450404.
2 réponses sur « Samonios et la porte des mondes »
2 Pingbacks
Les commentaires sont fermés.