
D’autres noms de la Chandeleur :
- Chandelours dans la tradition médiévale et populaire
- Imbolc en langue celtique irlandaise
- Ambivollos en langue celtique gauloise
- Baldrgeirr dans la tradition germanique
La Chandeleur, avant sa christianisation, était une fête païenne de la renaissance, de la fertilité et de la lumière, en rapport aux premiers rayons du Soleil qui annoncent le printemps. Elle était célébrée dans la nuit du 1er au 2 février. Ces noms celtiques « Imbolc » pour les irlandais, « Ambivollos » ou encore « Ambiuolcato » pour les gaulois, ont le sens de « lustration », « lavement ». Il existait en effet chez les celtes un rituel de purification par le lavement de la tête, des pieds et des mains pour cette célébration. Quant aux germains, ils y fêtaient tout particulièrement Balder, dit aussi Baldr ou Baldur, qui est un dieu de la lumière et de la jeunesse dans la mythologie germano-scandinave, d’où le nom de « Baldrgeirr ».
Des chandelles et des crêpes
Avant le Ve siècle, les paysans purifiaient leurs terres en portant des flambeaux (chandelles) avant les semailles. Ces feux de la Chandeleur évoquaient ainsi le timide retour de la lumière. La farine excédentaire servait à confectionner des crêpes, symbole de prospérité pour l’année à venir. La forme et la couleur de la crêpe évoquent le disque solaire enfin de retour après la nuit de l’hiver. Voilà donc comment nous en sommes venu à déguster ce délicieux mets de février, qui peut également s’accompagner de gaufres. Si la culture de la crêpe est commune à l’Europe, chaque région a ses spécialités. En effet, on connait bien les kampouezh (crêpes bretonnes), mais la Lorraine a également ses spécialités, comme les vôtes ou vautes qui sont des crêpes épaisses cuites parfois avec des fruits, principalement des mirabelles, et qui ne sont pas à confondre avec les vôtes salés dites également « râpés de pomme de terre ». On retrouve également en Lorraine les wahhs-creupés ou pantekoufe, dont certaines recettes se font avec du fromage.

Quoi qu’il en soit, il était également de coutume de faire sauter la première crêpe en tenant une pièce en or pour apporter la richesse toute l’année. Il est encore ici question d’un vestige du culte de la fécondité, fil conducteur à toutes les célébrations d’origines païennes. On la retrouve d’ailleurs dans d’autres pratiques populaires du paysan d’antan pour la Chandeleur :
« Autrefois les paysans des Vosges, en plantant le chanvre, relevaient le plus haut possible leur pantalon, convaincus que le chanvre atteindra la hauteur à laquelle il se sont retroussés. Dans la même région, pour avoir une bonne récolte, on dansait sur les toits la nuit de la Chandeleur. ».
Histoire d’ours
Historiquement, cette date permettait également aux peuples germains, scandinaves et celtes de célébrer la sortie d’hibernation de l’ours, animal divinisé que l’on pensait être l’ancêtre de l’Homme et qui, à l’époque, était roi des animaux. C’est en effet au mois de février que l’on attendait le réveil de l’animal qui annonce l’arrivée prochaine du printemps et fait ainsi de lui un symbole de fécondité, le liant de ce fait à la sexualité. Une légende qui date de ces temps anciens et qui fut d’ailleurs recueillie en patois, nous apprend que dans la région du col de Saales entre Lorraine et Alsace, vivait en solitaire au fond de la forêt un ours répondant du nom de Oche, ce qui signifie « ours » en lorrain roman. Cet ours était en réalité à l’origine un humain, transformé par la punition divine en animal. On disait de lui qu’il connaissait beaucoup de secrets, et il s’intéressait aux jeunes filles dont il avait un rôle d’initiateur à la sexualité.
La célébration, dite alors de la « Chandelours », fut commune dans nos contrées jusqu’au XVIIIe siècle, car rappelons-nous, l’ours brun était encore présent dans les Vosges jusqu’en 1786. Il existait alors de nombreux dictons en lien avec l’ours et la Chandeleur comme celui-ci :

Ce qui donnera l’expression bien plus connue aujourd’hui : « à la chandeleur, l’hiver se meurt ou prend rigueur ».
L’accaparation chrétienne
Pour en finir avec les fêtes païennes et le culte de l’ours, l’Église décida d’y placer la fête de Sainte Brigitte, figure christianisée de plusieurs déités du panthéon celtique, entre autre la déesse Bélisama, ou encore Brigantia pour les gaulois, d’où le nom de « Brigitte » et la « croix de Sainte Brigitte » (illustration ci-contre). Elle est tressée avec des herbes ou du bois souple et fut déjà utilisée comme symbole solaire avant l’avènement du christianisme. Les chrétiens ajoutèrent à cela la célébration de la présentation de Jésus au temple. Deux grandes fêtes pour un seul jour, L’Église a frappé fort !

Pourtant, les fêtes de l’ours et du retour de la lumière continuèrent dans les campagnes et s’accompagnaient de feux de joie et de processions aux flambeaux comme évoqué précédemment. À la fin du Ve et début du VIe siècle, pour contrer ces hérétiques pratiques, le pape Gélaste instaura la fête chrétienne des chandelles (festa candelarum). Ainsi, les processions aux chandelles, torches et autres flambeaux ne furent pas supprimées mais bénites !
La Chandeleur est née !

Si le culte de la lumière s’estompa peu à peu, celui de l’ours resta quant à lui bien vivant. Si vivant, d’ailleurs, que du XIIe au XVIIIe siècle, cette fête n’était pas appelée « Chandeleur » mais « Chandelours » comme nous avons pu le voir précédemment.
Le choix plus récent de remplacer l’ours comme roi des animaux par le lion est également une instauration chrétienne.
L’ours et l’Homme
Avec l’avancée de la paléontologie et de l’archéologie, on sait aujourd’hui que l’ours et l’Homme avaient une étroite liaison. Ainsi, les Hommes préhistoriques ne chassaient pas l’ours des grottes mais cohabitaient plutôt avec lui comme le font le renard et le blaireau qui se partagent un même terrier. L’ours bénéficiait du feu et de la chaleur de l’Homme, et l’Homme bénéficiait de la protection de l’ours, Homo sapiens étant une proie pour d’autres espèces en ces temps anciens.
Au cours du temps, plusieurs histoires rapportent ces témoignages de personnes perdues dans la nature et qui ont survécu en vivant avec des ours. L’une de ces histoires est d’ailleurs toute récente, puisqu’elle date de janvier 2019. Un enfant disparu aux USA déclare avoir été protégé du froid par un ours.
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Photos et texte :
Jean-Michaël CHOSEROT
Illustration :
Croix de Sainte Brigitte, Wikimedia.
Sources / bibliographie :
OBERLIN, Jérémie Jacques. Essai sur le patois lorrain des environs du comté du Ban de la Roche, fief Royal de l’Alsace. Jean Fred. Stein. Éditeur, (Strasbourg, France), 1775, p. 240.
SAUVÉ, Léopold-François, Le Folk-lore des Hautes-Vosges, [1888], réédité dans la Série « Les littératures populaires de toutes les nations », tome XXIX, G.P. Misonneuve &Larose Editeurs, Paris, 1967, 416 p. Et présenté par FISCHER Gérard et Marie-Thérèse, Floklore des Vosges, sorcellerie, croyances et coutumes populaires, Editions Jean-Pierre Gyss, 1984, p. 38.
WADIER, Roger, Noëls Lorrains, « Chandeleur », « Des cierges miraculeux » p. 245-249, « Des crêpes en or » p. 249-254.
POIROT, Catherine et Jean, Le Troglo, « L’Ours dans les Vosges », n° 20, 1986, p. 7.
Dir. GUILLEMOT, Michel et BLUMEL, Bethsabée, Le Petit Larousse des Symboles, « ours », 2019 d’après une réédition de 2006, p. 466.
BAUDOIN DE MENTEN, La Buvette des Alpages, « La Chandeleur : le réveil de l’ours », [en ligne], [02/02/2011], consulté le 01/02/2017, https://www.buvettedesalpages.be/2011/02/chandeleur-le-reveil-de-l-ours.html?fbclid=IwAR3GuWsaBlwdKugcuNfqRWqS1nOPrToJfD-z2vz_dxCrwszqmQeCEHPdgdg.
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