
À l’instar de bien d’autres États, l’ancienne nation Lorraine avait sa propre fête nationale, qui est d’ailleurs l’une des plus anciennes du monde. Célébrée tous les 5 janvier depuis 1477 sous l’ancien régime du duché de Lorraine et officialisée comme fête nationale depuis 1501, elle commémore la victoire des lorrains lors de la célèbre Bataille de Nancy qui mit fin à la Guerre de Bourgogne.
Cette fête est très méconnue, y compris des lorrains eux-mêmes. En effet, avec l’annexion de la Lorraine par le royaume de France en 1766, et son occupation en viager en 1737, le gouvernement français fit interdire cette célébration ainsi que bien d’autres mouvances propres à ce territoire, afin d’effacer toute trace du passé prestigieux de la Lorraine en temps qu’État indépendant. La chapelle des Bourguignons d’où partait chaque année le cortège national fut rasée par le nouveau duc Stanislas Leszczynski qui fut imposé par la France. Elle fut alors remplacée par l’église Notre-Dame de Bonsecours.
Les origines du conflit entre la Lorraine et la Bourgogne
La Guerre de Bourgogne est le résultat d’une politique expansionniste menée par les États bourguignons qui possédaient au XVe siècle un vaste territoire. Il était alors composé des duché et comté de Bourgogne, qui correspondent environ aux actuelles régions historiques de la Bourgogne et de la Franche-Comté, ainsi que les Pays-Bas bourguignons qui quant à eux équivalent à peu près aux territoires de l’actuel Benelux. Le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, avait pour projet de réunir territorialement tous ses États, la Lorraine qui les séparait était donc une cible.

La prise de possession du duché de Gueldre, puis du Sundgau (Haute-Alsace) ainsi que du Brisgau (Sud-ouest du Bade-Wurtemberg), a facilité une future invasion des cantons Suisses pour des raisons purement politiques. Lors du traité de Trèves, le duc de Bourgogne avait pris soin de passer un accord avec le jeune duc de Lorraine René II. Ce dernier, privé d’alliés, n’eut pas d’autre choix en garantie de paix que d’accepter le libre passage dans ses duchés ainsi que l’installation de garnisons bourguignonnes dans plusieurs grandes cités lorraines. Mais conscient du désir expansionniste du Téméraire et les abus perpétrés par les troupes bourguignonnes, René II finit par déclarer la guerre le 9 mai 1475. Vaincu, René II pris la fuite et alla rejoindre les suisses contre qui la Bourgogne était déjà en guerre depuis la fin de l’année 1474, et pour qui les lorrains se battirent alors. Après ses défaites sur ces territoires, le duc de Bourgogne se tourna vers la Lorraine qui, entre-temps, s’était révoltée contre l’occupant (printemps 1476). René II, soutenu par les mercenaires suisses ainsi que par la ligue alémanique qu’il avait rejoint, décida de reprendre ses duchés et écrasa ses ennemis lors de cette bataille décisive devant Nancy le 5 janvier 1477. Le Téméraire fut tué par un seigneur de Saint-Dié, Claude de Beaumont, Bausmont ou encore Bauzémont, qui, vieux et sourd, n’aurait alors ni bien compris les appels au secours du Téméraire (« Sauvez Bourgogne »), ni perçu les insignes ducaux qu’il reconnut tout de même comme personne de distinction. Il aurait alors regretté toute sa vie durant de ne pas avoir su saisir l’occasion de recevoir une belle rançon en échange du duc de Bourgogne.

La proclamation de la fête nationale
En souvenir de cette victoire, le duc de Lorraine déclara le 5 janvier comme jour national de la Lorraine, et organisa chaque année des défilés dans les rues de Nancy pour célébrer la victoire des lorrains et ainsi développer davantage le patriotisme lorrain. Selon les chroniqueurs de l’association Groupe BLE Lorraine, « lors de cette journée, René II sortait de son palais ducal et allait boire un verre dans une auberge aux alentours de la Grande rue. On gardait ensuite précieusement le verre dans lequel le duc avait bu ».
Parallèlement à cette fête, René II fit également édifier sur les lieux de la bataille l’église Notre-Dame-de-Bonsecours. Le duc fit bâtir aussi dans la ville de Nancy la chapelle des Cordeliers, qui devint par la suite le mausolée des ducs de Lorraine. Enfin, le duc fit élever une imposante basilique à Saint-Nicolas-de-Port pour symboliser sa reconnaissance envers le Saint Patron de la Lorraine, a qui il avait demandé la victoire, relançant ainsi le culte de Saint Nicolas qui existait déjà en Lorraine depuis le XIe siècle. (Pour en savoir plus, n’hésitez pas à (re)lire notre article sur Saint-Nicolas, l’histoire et sa légende, entre christianisme et paganisme.)

Sous l’annexion française
Au XVIIIe siècle, le duc François III de Lorraine, devenu empereur du Saint-Empire-Romain-Germanique, fut contraint de renoncer à la Lorraine en garantie d’une paix avec la France. Privé de son duc, la Lorraine fut mise en viager. Le roi déchu de Pologne, Stanislas Leszczynski, y fut alors placé comme duc de Lorraine par le roi de France Louis XV, sous la condition que cette contrée revienne à la France à la mort du duc. Bien qu’encore indépendante jusqu’en 1766, durant le règne de Stanislas un chancelier fut placé en Lorraine afin de préparer les lorrains à devenir français. Ce chancelier, Chaumont de La Galaizière, fit entre autre interdire la fête nationale de la Lorraine. Quelques lorrains continuaient pourtant de la célébrer sous le couvert de l’Épiphanie. En effet, quand il est entré dans Nancy lors de sa victoire, Renée II fut appelé « Le bon roi René » par les nancéens, faisant ainsi référence à l’arrivée des rois mages le 6 janvier ainsi qu’à ses titres de rois de Jérusalem, de Naples, de Hongrie et d’Aragon. La réutilisation de l’épiphanie n’était alors pas anodine. Mais du fait de la répression, la fête nationale de la Lorraine tomba tout de même dans l’oubli.
La fête nationale de la Lorraine depuis le XXe siècle
En 1977, 500 ans exactement après la victoire de René II, l’association Mémoire des Lorrains fit renaître la fête de la Lorraine en la célébrant tous les ans au monument commémoratif de la Bataille de Nancy, sur la place de la Croix de Bourgogne dans l’ancienne capitale lorraine.
Pour des raisons de mésentente politique avec les personnes célébrant l’évènement sur cette place, le Parti Lorrain décida de la relancer en un autre lieu, place Saint-Epvre, toujours à Nancy, devant la statue du duc René II de Lorraine, avec l’objectif officiel de « redonner tout son sens à la Fête Nationale des Lorrains ».

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Photos et texte :
Jean-Michaël CHOSEROT
Sources :
OHL des MARAIS, Albert. Image et Apperçus du Vieux Saint-Dié. Imprimerie LOOS, (Saint-Dié, France), 1946. 146 p.
JANEL, Claude, BALLAND, Jacqueline, Déodatie, l’Ancien Monde, Gérard LOUIS Editeur, 1993, p. 217 à 223.
CUNY, Jean-Marie. Dictionnaire historique et ludique de la Lorraine, « Fêtes nationales ». p. 89, Sapin D’or, 2014, 219 p.
BLE Archives, Centre de ressources numériques sur la Lorraine, [03/05/2009], [15/12/19], http://blogerslorrainsengages.unblog.fr/2009/01/03/le-5-janvier-cest-fete-nationale/.
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